Suite et fin du débat portant sur la situation d’un élu local condamné à une peine complémentaire d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire et ses conséquences pratiques dans l’action locale (Conseil d’État, 18 juin 2025, n° 498271, Ment. Leb.)
Dans cette décision le Conseil d’État a eu à connaitre de la protestation d’un élu local qui a été démis d’office par arrêté préfectoral à la suite d’une condamnation à une peine complémentaire d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire. En effet, au regard de l’article R. 121 du Code électoral, lorsque le Tribunal administratif ne se prononce pas dans un délai de 2 mois suivant l’introduction d’un recours, ce dernier est dessaisi et le requérant peut transmettre son affaire au Conseil d’État. Tel a été le cas en l’espèce.
Par ailleurs, il est à noter que la présente décision intervient quelques mois après la réponse du Conseil Constitutionnel à la question prioritaire de constitutionnalité posée par le requérant lors de la contestation de l’arrêté de démission d’office du Préfet (Décision n°2025-1129 QPC du 28 mars 2025 commentée [1]). La décision du Conseil Constitutionnel a donc nécessairement été prise en compte par l’élu local dans son argumentaire mais également par le Conseil d’État dans la présente décision. Les sages ayant conclu à la conformité des dispositions législatives à la Constitution mais sous réserve que le juge pénal opère un contrôle de la proportionnalité dans l’application de l’exécution provisoire à la peine complémentaire d’inéligibilité.
En ce qui concerne la protestation portée devant le Conseil d’État, le requérant a demandé à la juridiction administrative d’annuler, d’une part, l’arrêté de démission d’office émis par le Préfet et, d’autre part, les décisions actant de ses remplacements au sein des organes exécutifs des collectivités locales où il exerçait ses mandats.
La haute juridiction administrative a eu à confirmer deux points essentiels :
- Sur la compétence liée du Préfet
« (…) dès lors qu’un conseiller municipal ou un membre de l’organe délibérant d’un établissement public de coopération intercommunale se trouve, pour une cause survenue postérieurement à son élection, privé du droit électoral en vertu d’une condamnation devenue définitive ou d’une condamnation dont le juge pénal a décidé l’exécution provisoire, le préfet est tenu de le déclarer immédiatement démissionnaire d’office. »
Ainsi, l’acte par lequel le Préfet déclare démissionnaire d’office un élu local en raison de la condamnation précitée se borne à tirer les conséquences de la décision du juge pénal. En d’autres termes, le Préfet est en compétence liée et c’est pourquoi le Conseil d’État a estimé en l’espèce que le Préfet avait une exacte application de l’article L. 236 du Code électoral. La juridiction administrative a donc suivi les conclusions de la rapporteure publique, Mme Céline GUIBE, selon lesquelles « (…) ni le préfet, ni le juge administratif (ne sont habilités) pour apprécier la régularité ou le bien-fondé de la décision du juge pénal qui prononce une peine d’inéligibilité exécutoire par provision. ».
- Sur l’effet suspensif du recours et ses conséquences opérationnelles
« (…) le recours éventuel contre l’acte de notification du préfet, sauf en cas de démission d’office à la suite d’une condamnation pénale définitive, est suspensif. Dès lors, le remplacement de M. L… en qualité de conseiller municipal de la commune de Dembéni et en qualité de conseiller communautaire de la CADEMA, ainsi que les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 11 juillet 2024 au sein du conseil communautaire de cet établissement, alors que M. L… avait déposé contre l’arrêté du préfet du 27 juin 2024 une protestation le 6 juillet 2024, soit dans les dix jours suivant la notification de cet arrêté, méconnaissent ces dispositions. M. L… est par suite fondé à en demander l’annulation, ainsi que celle des jugements du 13 septembre 2024 du tribunal administratif de Mayotte dont il fait appel. »
La haute juridiction administrative rappelle que le recours contre l’arrêté de démission d’office pris par le Préfet, lorsqu’il est introduit dans un délai de 10 jours et que la décision pénale n’est pas définitive, est bien suspensif. En conséquence, et c’est ce qu’explique la rapporteure publique, Mme Céline GUIBE, dans ses conclusions : « Les conséquences à tirer de l’effet suspensif du recours exercé par M. S… contre l’arrêté préfectoral prononçant sa démission d’office sont claires : celui-ci aurait dû conserver ses fonctions jusqu’à l’intervention de votre décision, de sorte que les opérations électorales et les décisions ayant pourvu à son remplacement au sein des organes exécutifs locaux sont entachées d’illégalité et doivent être annulées. ».
Ainsi, le Préfet ne peut que suivre la décision du juge pénal et l’autorité administrative ne peut procéder à des remplacements de l’élu local dès lors que ce dernier a introduit un recours qui est par lui-même suspensif.
[1] https://dsap.riviereavocats.com/la-demission-doffice-dun-conseiller-municipal-ayant-ete-condamne-a-une-peine-complementaire-dinegibilite-assortie-de-lexecution-provisoire-est-elle-contraire-a-la-c/