Rappel de la théorie de l’accessoire : un mur de soutènement de la voie publique appartenant à un propriétaire privé ne fait pas obstacle à ce qu’il soit qualifié d’ouvrage public (Conseil d’État, 03 juillet 2025, n° 494622, Ment. Leb.)
Dans cette décision, le Conseil d’État a eu l’opportunité de revenir sur la notion d’ouvrage public en s’interrogeant sur la possibilité de mettre en œuvre une procédure de péril à l’encontre du propriétaire privé d’un mur de soutènement de la voie publique.
En l’espèce, M. et Mme. C… sont propriétaires d’un ensemble de parcelles sur le territoire de la commune de Saint-Forget, situées en contrebas d’une voie communale et séparées d’elle par un mur édifié au début du XXème siècle. En 2013, à la suite de l’édification d’une maison d’habitation (autorisée par permis de construire délivré par le maire), une partie du mur s’est effondré entrainant avec lui un pan de la chaussée.
Le maire de ladite commune, au titre de la police spéciale des édifices menaçants ruine (articles L. 511-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation), a mis en demeure M. et Mme. C… de réaliser des travaux confortatifs afin de remédier à la menace d’effondrement du mur. Les propriétaires ne s’étant pas exécutés, la commune a procédé d’office à la réalisation des travaux et a émis à l’encontre de ces derniers des titres de recette relatifs aux frais engagés pour la mise en œuvre desdits travaux.
Par un jugement du 29 mars 2022, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision portant sur la réalisation des travaux par la commune au frais des propriétaires ainsi que les titres de recette associés. Toutefois, la Cour administrative d’appel de Versailles, par un arrêt du 28 mars 2024, a annulé le jugement du Tribunal administratif de Versailles et a rejeté les conclusions à fin d’annulation présentée par les propriétaires. Ces derniers ont alors formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Le Conseil d’État censure le raisonnement de la Cour administrative d’appel de Versailles pour erreur de droit et suit celui du Tribunal administratif de Versailles.
En effet, afin de savoir si une procédure de péril pouvait être mise en œuvre par le maire, le Tribunal a retenu le critère fonctionnel pour la qualification d’ouvrage public alors que la Cour a retenu le critère organique. C’est notamment les conclusions de la Rapporteure publique, Mme. Dorothée Pradines[1], qui permettent de comprendre comme l’une et l’autre des juridictions ont raisonné.
- Le Tribunal administratif estime que le mur en question doit être reconnu comme un accessoire indispensable de la voie publique dès lors qu’il entretien un lien physique et fonctionnel avec cette dernière ; la voie publique étant qualifiée d’ouvrage public, il y a donc un effet attractif du régime de l’ouvrage public sur son accessoire (le mur).
- La Cour administrative d’appel estime quant à elle que le mur étant de la propriété de M. et Mme. C…, ce dernier ne peut être qualifié d’accessoire de la voie publique et donc d’ouvrage public ; dans ces circonstances le maire était fondé à appliquer la procédure de péril.
Or, le mur de soutènement, comme le précise les requérants, remplit les critères de qualification d’ouvrage public, parmi lesquels ne figurent pas la propriété publique. En conséquence, le mur doit être considéré comme un ouvrage public quand bien même son propriétaire est privé.
Ainsi, le Conseil d’État juge que :
La circonstance qu’un ouvrage n’appartienne pas à une personne publique ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse être regardé comme un ouvrage public s’il présente, avec un ouvrage public, un lien physique ou fonctionnel tel qu’il doive être regardé comme un accessoire indispensable de celui-ci.
En conclusion, la haute juridiction administrative annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles et renvoie l’affaire à cette dernière.
[1] Conclusions sur la décision n° 494622, Mme. Dorothée Pradines, Rapporteure publique