Modération des pénalités résultant d’un marché public : la prise en compte des fautes commises par l’acheteur (Conseil d’État, 15 juillet 2025, n° 494073, Ment. Leb.)
Dans cette décision, le Conseil d’État a eu l’occasion de rappeler que le juge administratif peut, à titre exceptionnel, modérer les pénalités résultant d’un marché public si elles atteignent un montant manifestement excessif, lorsqu’il est saisi en ce sens par une partie. Pour ce faire, il apprécie la gravité de l’inexécution constatée de la part du cocontractant au regard des fautes commises par l’acheteur.
En l’espèce, la société Nouvelle Laiterie de la Montagne a conclu avec FranceAgriMer deux marchés publics le 17 mai 2016 ayant pour objet la livraison, au plus tard le 15 février 2017, de thon au naturel Listao. Toutefois, à la suite d’une augmentation du prix de la tonne du cours mondial du thon Listao durant la période d’exécution des contrats, ladite société n’a pas pu exécuter ses obligations contractuelles.
Dans ce contexte, FranceAgriMer a opposé quatre titres de recette à la société Nouvelle Laiterie de la Montagne au titre des pénalités pour la non-exécution de ses obligations contractuelles de livraison de denrées alimentaires.
La société Nouvelle Laiterie de la Montage demande à la juridiction administrative l’annulation des titres exécutoires mais également la décharge des pénalités. Elle soutient notamment que :
(…) L’inexécution de ses obligations contractuelles qui lui était reprochée résultait des fautes commises par FranceAgriMer qui, en s’abstenant d’insérer une clause de révision du prix dans les marchés en litige et en refusant les solutions qu’elle avait proposées pour résoudre la difficulté résultant de l’augmentation des cours mondiaux du thon, avait contribué à la placer en situation de ne pas pouvoir respecter ses obligations de livraison.
Le Conseil d’État estime que la Cour administrative d’appel en s’abstenant de répondre à ce moyen a insuffisamment motivé son arrêt et a commis une erreur de droit. L’affaire est réglée au fond.
Les juges de la haute juridiction administrative ont raisonné en plusieurs temps afin de savoir s’il était question de modérer le montant des pénalités :
- Rappel de la jurisprudence Béziers I (CE, 28 décembre 2009, Commune de Béziers, req. n° 304802) : loyauté des relations contractuelles et type d’irrégularités soulevées qui écartent le contrat ;
- Rappel de la règle applicable en l’espèce : obligation légale d’insérer une clause de révision de prix (article R. 2112-14 du Code de la commande publique) ;
- Application au cas d’espèce : l’absence de clause de révision de prix dans les contrats en cause n’est pas une illégalité qui constitue un vice d’une particulière gravité ni n’entache d’illicéité le contenu de ces derniers ;
- Absence de force majeure pouvant exonérer le co-contractant de ses obligations ;
- Appréciation du cas d’espèce : l’absence de clause de révision de prix et le refus des solutions alternatives proposées sont des circonstances de nature à atténuer la gravité de l’inexécution, par la société Nouvelle Laiterie de la Montagne, de ses obligations contractuelles. Dès lors, cette société est fondée à demander la modération, qu’il y a lieu de fixer à 50 %, du montant des pénalités mises à sa charge par les titres exécutoires du 27 novembre 2018 en litige.