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Le taux de TEOM fixé par un EPCI adhérant à un syndicat mixte s’apprécie au regard des dépenses réelles du syndicat sur le territoire de l’EPCI et non sur la contribution versée à ce dernier (Conseil d’État, 12 novembre 2025, n° 501632)

L'arrêt rendu par le Conseil d'État le 12 novembre 2025 constitue une décision majeure en matière de fiscalité locale, précisant les modalités d'appréciation du caractère proportionné de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) a transféré sa compétence à un syndicat mixte.

En l’espèce, la Communauté d’Agglomération de la Porte du Hainaut (CAPH) avait transféré au SIAVED, syndicat mixte, les compétences de collecte et de traitement des déchets ménagers à compter du 1er juillet 2016. Par délibérations des 14 septembre 2020 et 20 septembre 2021, la Communauté d’agglomération avait institué la TEOM avec un taux fixé à 15,62 % pour les années 2021 et 2022. La société Amandis, venant aux droits de la société Famar propriétaire de locaux assujettis, contestait ces impositions.

Le Conseil d’État était saisi d’un pourvoi en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Lille du 19 décembre 2024 ayant rejeté les demandes de décharge.

La haute juridiction devait répondre à deux questions essentielles :

  • celle de la base légale de l’institution de la TEOM pour 2021 ;
  • celle du référentiel pertinent pour apprécier la proportionnalité du taux de la taxe pour 2022.

Il raisonne en termes suivants :

Sur le moyen de nullité de base légal pour l’année 2021 :

Dans un premier temps, il rappelle le cadre juridique applicable aux délibérations instituant la TEOM pour les EPCI adhérant à un syndicat mixte pour l’ensemble de la compétence collecte et de traitement des déchets, dont l’application de l’article 1379-0 du code général des impôts, et par renvoi, aux dispositions de l’article 1639 A bis du  même code imposant de prendre les délibérations fixant un taux de TEOM avant le 15 octobre d’une année pour être applicable l’année suivante.

En cas de fusion d’EPCI, le III de l’article précité, dans sa rédaction applicable au litige (du 31 décembre 2013 au 31 décembre 2020), prévoyait que le régime de TEOM pouvait être maintenu pour une durée maximale de cinq ans suivant la fusion.

Le Conseil d’État constate que la CA actuelle est issue d’une fusion effective au 31 décembre 2013 avec une communauté de communes.

Bien qu’une délibération du 13 janvier 2001 de l’ancienne communauté d’agglomération de la Porte du Hainaut ait institué la TEOM, cet établissement public est juridiquement distinct de celui issu de la fusion. Le maintien du régime de TEOM issu de cette délibération de 2001 ne pouvait donc excéder le 31 décembre 2018, soit cinq ans après la fusion.

La haute juridiction relève en outre que la délibération du 14 septembre 2020 instituant la taxe pour 2021 avait été annulée pour excès de pouvoir par un jugement définitif du tribunal administratif de Lille du 12 mars 2024. Le tribunal administratif de Lille avait donc commis une erreur de droit en jugeant que la délibération de 2001 constituait une base légale valable pour l’imposition de 2021, alors que cette délibération avait cessé de produire ses effets au 31 décembre 2018 et que la délibération de 2020 avait été annulée :

Il ressort, d’une part, des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si, par une délibération du 13 janvier 2001, la communauté d’agglomération de la Porte du Hainaut avait institué la taxe d’enlèvement des ordures ménagères sur son territoire, l’établissement public de coopération intercommunale existant à cette date est distinct de celui, homonyme, issu ultérieurement de sa fusion, effective au 31 décembre 2013, avec une communauté de communes. D’autre part, si, compte tenu des dispositions citées au point 3, le régime, issu de cette délibération applicable en matière de taxe d’enlèvement des ordures ménagères sur le territoire de l’ancienne communauté d’agglomération pouvait être maintenu au profit de celle qui l’avait absorbée, ce maintien ne pouvait excéder le terme de la cinquième année suivant la fusion, soit le 31 décembre 2018. Par suite, en jugeant que la circonstance que la délibération du 14 septembre 2020, par laquelle le conseil communautaire de la communauté d’agglomération de la Porte du Hainaut avait institué une taxe d’enlèvement des ordures ménagères à compter du 1er janvier 2021, avait été annulée pour excès de pouvoir par un jugement du 12 mars 2024 du tribunal administratif de Lille, devenu définitif, ne privait pas de base légale la taxe d’enlèvement des ordures ménagères établie au titre de l’année 2021 sur le territoire de cet établissement, au motif que la délibération du 13 janvier 2001 constituait une telle base légale, le tribunal a commis une erreur de droit.

Sur le moyen du principe de proportionnalité du taux de TEOM :

De nouveau, le Conseil d’État réaffirme que la TEOM n’a pas le caractère d’un prélèvement opéré en vue de pourvoir à l’ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées pour assurer l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères, déduction faite des recettes non fiscales affectées à ces opérations.

Il s’ensuit que le produit de cette taxe ne doit pas être manifestement disproportionné par rapport au montant des dépenses exposées pour ce service, en application des dispositions de l’article 1520 du code général des impôts.

Par suite, le Conseil d’État opère une clarification jurisprudentielle importante :

Lorsqu’un EPCI à fiscalité propre adhère pour l’exercice de la compétence en matière de collecte et de traitement des déchets à un syndicat mixte et décide, sur le fondement du 2 du VI de l’article 1379-0 bis du code général des impôts, d’instituer et de percevoir la TEOM pour son propre compte, le caractère proportionné du taux de la taxe s’apprécie non au regard du montant de la contribution versée par l’EPCI au syndicat, mais au regard du montant des dépenses exposées par le syndicat mixte pour assurer ce service sur le territoire de l’EPCI concerné :

5. La taxe d’enlèvement des ordures ménagères susceptible d’être instituée sur le fondement des dispositions citées au point 2 n’a pas le caractère d’un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l’ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent pour assurer l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères et des déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et non couvertes par des recettes non fiscales affectées à ces opérations. Il s’ensuit que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant des dépenses exposées pour ce service, déduction faite, le cas échéant, du montant des recettes non fiscales de la section de fonctionnement, telles qu’elles sont définies par les articles L. 2331-2 et L. 2331-4 du code général des collectivités territoriales, relatives à ces opérations. Dans l’hypothèse où un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre adhère pour l’exercice de la compétence en matière de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés à un syndicat mixte et décide, dans les conditions prévues au 2 du VI de l’article 1379-0 bis du code général des impôts précité, d’instituer et de percevoir la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour son propre compte, le caractère proportionné du taux de la taxe ainsi instituée s’apprécie, non au regard du montant de la contribution versée par cet établissement à ce syndicat, mais au regard du montant des dépenses exposées par le syndicat mixte pour assurer ce service sur le territoire de l’établissement public concerné.

Le Conseil d’État censure alors le tribunal administratif de Lille pour avoir méconnu son office dans son contrôle sur le taux de TEOM : En effet, pour écarter l’argumentation de la société requérante sur la disproportion du taux, le tribunal s’était fondé sur me fait que la CAPH avait pu à bon droit fixer le taux en fonction de la contribution versée au SIAVED, et que le taux couvrant 82% de cette contribution n’était pas disproportionnée.

La distinction opérée par le Conseil d’État est fondamentale : Désormais, le contrôle de proportionnalité doit s’opérer sur les dépenses effectives du syndicat ventilées par territoire d’EPCI.

Cette décision pose deux obligations implicites :

  • Elle impose implicitement aux syndicats mixtes une obligation de transparence et de traçabilité comptable. Ces derniers doivent être en mesure de ventiler leurs dépenses par territoire d’EPCI membre, afin de permettre à ces derniers de fixer un taux de TEOM proportionné et de justifier ce taux en cas de contentieux.
  • Elle impose également une diligence accrue dans la fixation du taux de TEOM pour les EPCI, ces derniers ne pouvant plus se contenter d’un calcul mécanique fondé sur leurs contributions aux syndicats mixtes. Ils doivent s’assurer que le produit prévisionnel de la taxe correspond effectivement aux coûts de service sur leur territoire.