Faculté pour les organes délibérants des collectivités territoriales de formuler des voeux de nature politique portant sur des objets présentant un intérêt public local (oui)
Conseil d’État – 3ème – 8ème chambres réunies, 04/04/2025, 472245, B (décision mentionnée aux tables du recueil Lebon)
Le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a, par une délibération du 11 juin 2020, formulé sous la forme d’un voeu à l’intention du Gouvernement, différents souhaits relatifs à l’organisation, aux moyens et au fonctionnement de la police nationale. Le Préfet de la Seine-Saint-Denis a saisi les juridictions administratives afin d’annuler ladite délibération aux motifs que :
- Le département n’était pas compétent pour prendre une telle délibération car ne relevant pas des domaines de compétences lui étant attribués par la loi ;
- Les questions relatives à l’organisation, aux moyens et au fonctionnement de la police nationale dans le département ne présentent pas un intérêt public local ;
- Une délibération portant sur un tel objet méconnait nécessairement le principe de neutralité.
Or, sur le fond, le Conseil d’État a rappelé que :
« Le législateur doit être regardé comme ayant, implicitement mais nécessairement, reconnu la faculté, pour les organes délibérants des collectivités territoriales, de formuler des vœux, des prises de position ou des déclarations d’intention, y compris de nature politique, sans la restreindre aux domaines de compétence que la loi leur attribue, pourvu qu’ils portent sur des objets présentant un intérêt public local. Est à cet égard sans incidence, dans le cas d’un conseil départemental, la circonstance que l’article 94 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République ait limité la possibilité qu’il règle par ses délibérations les affaires du département aux seuls domaines de compétence que la loi lui attribue.«
Ainsi, une collectivité territoriale peut, par le biais d’une délibération, émettre un voeu et ce même nature politique, dès lors que ce dernier porte sur un intérêt public local.
Le juge reconnait en l’espèce que la police nationale est un objet présentant un intérêt public local dans le département et que le principe de neutralité n’est pas méconnu dès lors qu’il est possible que la formulation d’un voeu soit de nature politique.
Enfin, le Conseil d’État précise que la suppression de la clause de compétence générale (Loi NOTRe du 7 août 2015) pour les départements ne présente dans ce cas aucune incidence.
Par ailleurs, sur la recevabilité du recours, il pourra être noté que par principe un voeu est un acte ne faisant pas grief et que de ce fait, il est insusceptible d’un recours en annulation sauf disposition contraire. Or, tel est notamment le cas du déféré préfectoral prévu à l’article L. 3132-1 du CGCT. Sur ce point propre à la recevabilité du recours, le Conseil d’État rappelle une jurisprudence établie (voir en ce sens : CE, 29 décembre 1997, SARL Enlem, n° 157623, publié au recueil).