Du nouveau sur l’encadrement du taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (CE, 19 novembre 2025, n° 487829)
Cette décision confirme strictement les exigences posées par les articles applicables (en particulier l’article 1520 CGI et les articles du Code général des collectivités territoriales relatifs à l’information des délibérants) pour la fixation du taux de TEOM.
Elle rappelle le cadre de légalité que doivent respecter les collectivités — notamment en matière d’annonce claire, d’annexe budgétaire, d’information des élus.
Par un arrêt rendu le 19 novembre dernier, le Conseil d’État est de nouveau venu apprécier le taux légal d’encadrement de la TEOM et se prononcer sur les composantes de cette dernière pour son calcul.
Dans cette affaire, l’établissement public territoriale Est-Ensemble adopte en 2019 une délibération fixant le taux de TEOM, ayant connu une évolution à la hausse. Un particulier en avait demandé son annulation au motif, d’une part qu’une information auprès de l’assemblée délibérante n’a pas été suffisante pour permettre le vote de la TEOM et d’autre part, qu’il y a lieu de soustraire certaines dépenses de fonctionnement pour le calcul du taux de cette taxe.
Suite à rejet de la demande du contribuable en première instance puis à l’annulation de la délibération en appel, l’EPT a saisi en cassation le Conseil d’État qui annule la décision de la cour administrative d’appel.
Sur le moyen d’une information suffisante auprès de l’assemblée délibérante de la collectivité
Après avoir rappelé l’application des dispositions de l’article L. 2313-1 du code général des collectivités territoriales posant les modalités de présentation du taux de TEOM au budget primitif, le Conseil d’État considère la présentation du budget primitif 2019 de l’EPT est sur ce point conforme en ce que celui-ci comportait bien en annexe, l’état spécial retraçant les dépenses prévisionnelles du service de collecte et de traitement des ordures ménagères, ainsi que les recettes prévues dont le produit de TEOM.
Ces annexes ont été communiquées aux membres de l’organe délibérant suffisamment tôt et accompagnées d’une note explicative détaillant l’évolution du taux de TEOM. Par conséquent, l’hypothèse du défaut d’informations de l’assemblée délibérante ne peut être retenue :
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le budget primitif 2019 de l’EPT Est Ensemble comportait deux annexes A7.2.1 et A7.2.2, qui portaient référence à l’article L. 2313-1 du code général des collectivités territoriales, cité au point précédent, et comprenaient, d’une part, un détail des dépenses prévisionnelles de la section de fonctionnement du service de collecte et d’enlèvement des ordures ménagères ainsi qu’un détail des recettes prévisionnelles de cette section mentionnant, notamment, le produit de la TEOM et, d’autre part, un détail des dépenses et des recettes de la section d’investissement de ce service. Par suite, en jugeant que, faute pour l’EPT Est Ensemble d’avoir annexé au budget prévisionnel 2019 un état spécial retraçant les dépenses et les sources de financement prévisionnels du service de collecte et d’enlèvement des ordures ménagères, les membres du conseil de territoire n’avaient pas disposé d’une information suffisante pour se prononcer en toute connaissance de cause sur la délibération attaquée, la cour administrative d’appel a dénaturé les pièces du dossier.
(…)
8. En premier lieu, ainsi qu’il a été dit au point 3, le budget primitif 2019 de l’EPT Est Ensemble comportait en annexe les éléments retraçant, d’une part, le produit attendu de la TEOM et des recettes ordinaires non fiscales affectées au service d’enlèvement et de traitement des ordures ménagères et, d’autre part, les dépenses prévisionnelles afférentes à ce service. Il ressort en outre des pièces du dossier que le projet de budget, avec ses annexes, a été communiqué aux membres de l’organe délibérant de l’EPT Est Ensemble en temps utile avant les délibérations du 1er avril 2019 ayant pour objet, outre l’approbation de ce budget, celle du taux de la TEOM, et que ces membres ont également été destinataires d’une note de synthèse présentant une explication détaillée de l’évolution du taux de cette taxe. Dans ces conditions, le moyen de M. A… tiré de ce que la délibération attaquée aurait été prise en méconnaissance des obligations d’information des membres de l’organe délibérant et de présentation du budget découlant des articles L. 2121-12, L 2121-13, L. 2312-1 et L. 2313-1 du code général des collectivités territoriales doit être écarté.
Sur le moyen relatif aux dépenses à prendre en compte pour le calcul du taux de TEOM
Il était notamment soulevé par le requérant devant les juridictions du fond de la prise en compte de dépenses de fonctionnement, dont notamment :
- la comptabilité des charges de personnel de la prévention et de la valorisation des déchets rattachée au service de la collecte et du traitement des ordures ménagères ;
- les subventions à divers organismes mettant en œuvre des actions du programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés ;
En analyse de ces différents points, le Conseil d’État adopte le raisonnement suivant :
Dans un premier temps, il rappelle que les dispositions des articles du code général des collectivités territoriales donne une définition assez large des dépenses éligibles (fonctionnement + amortissement + investissement), ce qui permet aux collectivités de financer l’ensemble des coûts liés à la gestion des déchets, y compris l’investissement — mais uniquement si ces coûts ne sont pas par ailleurs couverts :
Les dépenses susceptibles d’être prises en compte sont constituées de la somme, telle qu’elle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe, de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées lorsque la taxe n’a pas pourvu aux dépenses réelles d’investissement correspondantes ou des dépenses réelles d’investissement lorsque la taxe n’a pas pourvu aux dotations aux amortissements.
Partant, il applique ce raisonnement à la situation de l’EPT pour 2019. Les chiffres retenus (prévisions budgétaires) sont :
- produit attendu de la TEOM : 52 030 000 €
- dépenses de fonctionnement : 42 525 568,67 €
- dépenses d’investissement : 4 751 454,92 €
- recettes non fiscales à déduire : 931 707 €
Le Conseil d’État en déduit que la TEOM prévue excède les charges (nettes) à couvrir de 5 684 683,41 €, soit un excédent de 12,26 %. Il juge que cet excédent ne constitue pas une “disproportion manifeste” par rapport aux dépenses — donc le taux n’est pas illégal pour disproportion.
Pour justifier que le taux de la TEOM fixé pour 2019 ne méconnaissait pas les exigences énoncées au point 10, l’EPT Est Ensemble fait état de prévisions, figurant en annexe du budget primitif pour cet exercice, de 52 030 000 euros pour le produit de la TEOM, de 42 525 568,67 euros pour les dépenses de fonctionnement du service de collecte et de traitement des ordures ménagères, de 4 751 454,92 pour ses dépenses d’investissement et de 931 707 euros pour les recettes non fiscales à déduire, soit un produit attendu de la TEOM excédant de 5 684 683,41 euros, ou 12,26 %, le montant des charges qu’elle a vocation à couvrir, ne conduisant pas à regarder le taux de la taxe comme manifestement disproportionné.
Puis, il répond aux argument soulevés sur le requérant sur la prise en charge de certaines dépenses de personnel, notamment des agents en partie affectés à la “propreté urbaine” (corbeilles de rue, déchets jetés dans la voie publique, etc.). L’argument était que ces dépenses ne relèveraient pas de la TEOM si elles concernent la voirie, nettoyage de rues.
Le CE répond que :
- l’EPT a distingué les agents de la direction “prévention et valorisation des déchets” et réparti les coûts selon le temps passé dans le service collecte + traitement des déchets ménagers — ce fractionnement étant fondé sur la part effective du service “déchets ménagers” (≥ 80 % du temps de travail).
- Il n’est pas soutenu (et surtout n’est pas démontré) que l’EPT comptabilise des dépenses relevant d’activités extérieures à la TEOM (nettoyage de voirie, désherbage, enlèvement des graffitis, etc.). Par conséquent, la prise en compte des charges de personnel est légale :
M. A… soutient que les dépenses de fonctionnement ainsi prises en compte par l’EPT Est Ensemble doivent être réduites de celles qui y sont comptabilisées au titre des charges de personnel, dès lors que si l’EPT Est Ensemble affirme qu’elles ne consistent qu’en la part des charges de sa direction de la prévention et de la valorisation des déchets rattachée au service de la collecte et du traitement des ordures ménagères, qu’il a distinguée de la part rattachée au service de la propreté urbaine, il ne justifie pas de l’exactitude du partage ainsi opéré. Au soutien de ce grief, M. A… se prévaut d’éléments relatifs à l’organisation et au fonctionnement de cette direction, dont il ressort qu’une partie importante de ses personnels est affectée à des tâches de collecte et de traitement des déchets et immondices jetés dans les corbeilles de rue ou sur la voie publique, et de ce que l’EPT Est Ensemble admet lui-même avoir comptabilisé l’intégralité du coût des agents effectuant de telles tâches pour peu que le temps qu’ils consacrent par ailleurs aux ordures ménagères dépasse 80 % de leur temps de travail total. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point précédent que ni la circonstance qu’une partie des personnels de la direction serait affectée à de telles tâches, ni celle que les personnels dont le coût a été comptabilisé consacrent une partie de leur temps à ces tâches, ne sont de nature à établir que l’EPT Est Ensemble aurait pris en compte des dépenses que la TEOM n’a pas vocation à couvrir. Dès lors qu’il n’est pas même allégué que les dépenses comptabilisées incluraient le coût d’autres activités relevant de la propreté urbaine et sans rapport avec les déchets ménagers, telles que le nettoyage des rues, l’enlèvement des graffitis ou le désherbage, M. A… n’est pas fondé à contester la prise en compte des charges de personnel en litige
Ce point valide donc la méthode de ventilation des charges de personnel — sauf s’il y avait inclusion d’activités non liées aux déchets ménagers.
Le requérant contestait que l’EPT ait comptabilisé 570 000 € de subventions versées à divers organismes pour des actions du programme local de prévention des déchets (PLPD). Il soutenait que ces montants devaient être soustraits des dépenses à retenir pour la TEOM, car ces actions relèveraient du “prévention” (réduction / sensibilisation), non de la collecte/traitement.
Le CE répond en deux temps :
- Il reconnaît que certaines des actions subventionnées (par exemple, l’augmentation du nombre de sites de compostage, l’installation de bornes textiles, etc.) peuvent se rattacher à la collecte ou au traitement des déchets ménagers / assimilés — donc être admises dans le périmètre TEOM.
- En revanche, d’autres actions — sensibilisation, limitation gaspillage alimentaire, prolongation de la durée de vie des produits — n’ont pas, en elles-mêmes, pour objet la collecte ou le traitement. Le CE estime qu’elles ne peuvent pas être financées par la TEOM.
Mais, même en acceptant (pour l’argument du requérant) de soustraire la totalité des 570 000 € contestés, l’excédent de produit attendu de la TEOM resterait de ≈ 13,66 % par rapport aux charges nettes — ce qui, selon le CE, ne constitue pas une “disproportion manifeste” justifiant l’annulation :
En l’espèce, M. A… soutient qu’il y a lieu de soustraire, des dépenses de fonctionnement du service à prendre en compte, le montant de 570 000 euros comptabilisé par l’EPT Est Ensemble dans l’annexe du budget primitif 2019 pour des subventions à divers organismes mettant en œuvre des actions du programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés. S’il ressort des pièces du dossier que certaines des actions subventionnées sont susceptibles de se rattacher à la collecte et au traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, comme l’augmentation du nombre de sites de compostage et le redéploiement de l’implantation de bornes textiles, il en va différemment d’autres actions dont le seul objet est de réduire la production de déchets ménagers et assimilés, comme les actions de sensibilisation du public, de limitation du gaspillage alimentaire et d’augmentation de la durée de vie des produits, et dont le financement ne saurait être assuré par la TEOM. Toutefois, même en retenant un montant des dépenses de fonctionnement à prendre en compte réduit de la totalité du montant de 570 000 euros mentionné ci-dessus, le produit attendu de la TEOM pour 2019 n’excède que de 6 254 683,41 euros, ou 13,66 %, le montant des charges qu’elle a vocation à couvrir, ce qui ne conduit pas à regarder le taux de la taxe comme manifestement disproportionné.
Cette décision renforce la jurisprudence selon laquelle le contrôle juridictionnel d’une délibération fixant un taux de TEOM vérifie une double condition : régularité de la procédure/deliberation et proportionnalité du taux au regard des dépenses à couvrir.
