Cour des comptes, 21 nov. 2025, Office de tourisme de Biarritz, n° S-2025-1722
Dans cet arrêt riche en enseignements, la Cour fait notamment application des principes des droits de la défense et du contradictoire au stade de l'instruction. Il est fait le rappel que les élus ne sont pas automatiquement exclus de la qualité de justiciable. Sur le fond, deux types d'infractions sont concernées : l'engagement de dépenses sans y être habilité et la faute de gestion grave causant un préjudice financier significatif.
L’ancien directeur, l’ancien agent comptable et l’ancien président de l’Office de tourisme de Biarritz (ci-après « OT« ), alors établissement public industriel et commercial (ci-après « EPIC« ), étaient renvoyés devant la chambre contentieuse de la Cour des comptes.
A titre liminaire, il sera noté que l’ancien maire de la commune a vu sa responsabilité engagée en sa qualité de président de l’EPIC, dès lors que cette fonction n’est pas l’accessoire obligé de son mandat d’élu local (art. L 131-2 du CJF).
Un point saillant de cet arrêt nous semble être procédural. La Cour a en effet prononcé la relaxe de l’agent comptable de l’OT au motif qu’il a été « porté une grave atteinte à ses droits et au respect du principe du contradictoire » lors de la phase d’instruction. Pour conclure à sa relaxe, la Cour retient une chronologie de l’instruction particulière, qui ne lui a pas laissé l’opportunité de se faire assister d’un avocat, de faire valoir ses observations, d’être questionné ou d’être auditionné avant que l’ordonnance de règlement ne soit rendue. Or, c’est là que réside la difficulté : l’instruction doit être conduite à charge et à décharge, et c’est à la clôture de l’instruction que le ministère public apprécie les suites à donner à l’affaire. Alors que l’ordonnance de règlement concluait qu’il avait commis une faute grave causant un préjudice, son impossibilité de faire valoir sa défense lui a permis d’obtenir sa relaxe. Nous saluons cette issue qui fait application du respect des droits de la défense et du contradictoire dans ce contentieux.
Au fond, le coeur de la responsabilité des gestionnaires restants réside dans la répartition des compétences entre le directeur, le président et le comité de direction dans la gestion de l’établissement :
Sur le volet de l’engagement de dépenses sans y être habilité (art. L. 131-13 3° du CJF), il a été relevé :
- la signature de plusieurs marchés publics par le directeur sans avoir reçu de délégation du comité de direction ;
- la signature par le président d’une convention, ayant notamment pour incidence la mise à disposition par la ville d’agents au profit de l’OT, qui devait la rembourser. La Cour relève qu’aucune délibération n’a pu être produite qui aurait autorisé le président à signer la convention ;
- la cession d’un véhicule par le directeur, à son profit, au nom de l’OT sans délibération du comité de direction et alors qu’il n’était plus en fonction au jour de la signature en raison de son départ à la retraite. A noter d’une part, que si la cession relève en principe d’une opération de recette, lorsque le prix de cession est inférieur à sa valeur, la moins-value représente une charge ; d’autre part, la production d’une délibération qui autorise la cession de manière rétroactive ne peut lever sa responsabilité dès lors qu’au jour de la signature de l’acte de cession, il était déjà à la retraite.
Sur le volet de la faute grave causant un préjudice financier significatif (art. L. 131-9 du CJF), il a été relevé :
- l’octroi habituel de réduction des tarifs de location de salles au profit d’associations locales par le directeur sans avoir reçu de délégation et en méconnaissance des règles établies par le contrat. Cette faute aux règles d’exécution des recettes est jugée grave, car méconnaissant des règles essentielles du contrat considéré par la Cour, comme exhaustif et détaillé. Enfin, le montant du préjudice (environ 200.000 euros pour les exercices 2019 et 2020) est jugé significatif, tant au regard des produits d’exploitation de l’OT que des seules recettes de location. Les trois conditions constitutives de l’infractions étaient donc réunies ;
- l’octroi infondé de compléments de rémunération par et pour le directeur de l’EPIC (agent de droit public en vertu de la jurisprudence du Conseil d’État de 1957, Jalenques de Labeau) en méconnaissance de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques. La délibération postérieure qui régulariserait les versement n’a pas eu pour effet d’effacer l’irrégularité. Néanmoins, la Cour juge que ces irrégularités concernent les rapports entre la liberté contractuelle et la référence à une convention collective de droit privé qui ont « donné lieu à des analyses juridiques contradictoires » et des « hésitations doctrinales et jurisprudentielles, dont portent notamment la trace des réponses ministérielles à des questions parlementaires au contenu imprécis et évolutif, (qui)ont pu induire en erreur le comité de direction et le directeur« . Cette « complexité » permet au juge d’écarter l’infraction dès l’examen du critère de gravité (et on au titre des circonstances) pour ces faits et par conséquent la responsabilité des gestionnaires à ce sujet.
Au titre des circonstances mises à la charge et à la décharge des mis en cause, il sera retenu à la charge du directeur son ancienneté et son expérience, mais aussi le bénéfice qu’il s’est procuré par l’acquisition du véhicule après son départ en retraite. A contrario, sera mis à son profit l’absence d’exercice par le comité de direction de ses prérogatives d’encadrement et de contrôle de son action.
L’ancien directeur a été condamné à 6.000 euros d’amende et l’ancien président à 1.000 euros.
