ActualitésCommande publiqueContentieuxQuasi-régieVeille juridique

Clarification sur les délais de recours des tiers contre un marché passé sans concurrence (CAA de MARSEILLE,18 juin 2025, n°25MA00701)

Par délibération du 10 février 2023, la ville de Marseille approuve le recours à un accord‑cadre de marché de partenariat pour la rénovation et l’extension des écoles communales, conclu le 4 avril 2023 avec la SPEM (société publique locale d’aménagement à capitaux partagés entre la ville et l’État). Un marché subséquent n° 1, portant sur la rénovation de 12 sites, est signé le 19 septembre 2023.

Trois contribuables saisissent le tribunal administratif de Marseille pour faire annuler la délibération, l’accord‑cadre et le marché subséquent. Le tribunal annule, avec effet différé au 1ᵉʳ août 2025, l’accord‑cadre et ce marché d’après son jugement du 20 janvier 2025 au motif que ces accords confiaient à la société SPEM, outre des missions de construction, une mission d’entretien et de maintenance, en méconnaissance de l’article L. 327-1 du code de l’urbanisme qui définit l’objet des sociétés publiques locales d’aménagement.

Plusieurs parties (commune de Marseille, État, SPEM) interjettent appel ou demandent un sursis à exécution.

Parmi l’ensemble des griefs soulevés à l’encontre du jugement de première instance, la cour avait notamment à se prononcer sur le délai de recours des tiers au marché à compter de la publication de l’avis d’attribution.

Les requérants en appel faisaient notamment valoir que l’action en contestation de validité des contrats en première instance était tardive, réalisée en dehors du délai réglementaire de deux mois à compter de la publication de l’avis d’attribution d’un marché public.

En réponse à cette demande, le juge administratif pose en premier lieu les principes encadrant le délai de recours en validité du contrat.

Il rappelle à cet effet que la circonstance d’un avis d’attribution ne mentionnant pas la date de la conclusion du contrat est sans incidence sur le point de départ du délai de recours contentieux qui court à compter de cette publication (CE, 3 juin 2020, Bureau européen d’assurance hospitalière, n° 428845), à partir du moment où cet avis a été publié selon des mesures de publicité appropriées (CE, 19 juill. 2023, Société Seateam aviation, n° 465308) :

6. Tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi.

7. La publication d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi permet de faire courir le délai de recours contre le contrat, la circonstance que l’avis ne mentionnerait pas la date de la conclusion du contrat étant sans incidence sur le point de départ du délai qui court à compter de cette publication. Ainsi, l’avis d’attribution d’un marché, publié au Bulletin officiel des annonces de marchés publics, constitue une mesure de publicité appropriée susceptible de faire courir le délai de recours contentieux, alors même que cette publication ne fait état que de l’attribution du marché, et non de sa conclusion.

Par ailleurs, compte-tenu des circonstances de l’espèce à savoir la passation d’un contrat de quasi-régie, la Cour rappelle également que les dispositions de l’article R.2183-1 du code de la commande selon lequel un avis d’attribution doit être publié dans un délai de trente jours à compter de la signature du contrat demeure non applicable aux contrats passés sans publicité ni mise en concurrence.

Ainsi, la publication d’un tel avis après ce délai réglementaire dans ce contexte est sans incidence sur le point de départ du délai de recours en contestation de validité du contrat :

8. Il résulte de l’instruction que les avis d’attribution de l’accord-cadre relatif au plan écoles signé le 4 avril 2023 et du marché subséquent n°1 signé le 19 septembre 2023 ont été respectivement publiés au Bulletin officiel des annonces de marchés publics le 6 juin 2023 et le 22 septembre 2023. Ces avis, qui mentionnaient la conclusion des contrats et indiquaient l’adresse de l’acheteur public, constituaient des mesures de publicité suffisantes. Ils ont donc fait courir les délais de recours contentieux. Les circonstances que de tels avis ont été publiés après l’expiration du délai de trente jours à compter de la signature du contrat, et qu’ils n’ont pas concomitamment été publiés au Journal officiel de l’Union européenne, sont sans incidence sur cette analyse, dès lors que l’article R. 2183-1 du code de la commande publique, qui prévoit ces obligations, ne s’applique pas aux contrats attribués, comme en l’espèce, sans mise en concurrence.

Est, de même, sans incidence sur cette analyse la circonstance que le montant de l’accord-cadre, tel qu’il figure dans l’avis publié, est supérieur au montant de l’accord-cadre mentionné dans la délibération du 10 février 2023, dès lors que le montant figurant sur l’avis correspond bien au montant de l’accord-cadre finalement conclu. Par ailleurs, le recours présenté le 19 avril 2023 à l’encontre de la délibération approuvant le contrat n’est pas au nombre des actes susceptibles d’interrompre ces délais de recours. Ces délais ont par conséquent expiré, respectivement, le 7 août 2023 pour l’accord-cadre et le 23 novembre 2023 pour le marché subséquent n° 1. Or, si Mme Baron, M. C… et M. F… ont évoqué l’accord-cadre dans leur recours présenté le 19 avril 2023, et indiqué dans leurs écritures qu’ils considéraient  » que la ville de Marseille doit annuler la délibération, et donc l’accord-cadre « , ils ont, pour la première fois, sollicité l’annulation juridictionnelle de ces contrats dans leur mémoire présenté le 21 avril 2024. Ces demandes étaient donc tardives.

La Cour d’appel annule le jugement de première instance, en partie au regard ce motif.