Congés non pris : le délai de 15 mois s’impose pour l’indemnisation (Conseil d’État, 3e et 8e chambres réunies, 4 Avril 2025 – n° 487840)
Dans son arrêt du 4 avril 2025, le Conseil d’État a apporté des précisions sur le régime applicable à l’indemnisation des congés annuels non pris par un agent public en raison d’un congé de longue maladie.
En l’espèce, M. B…, adjoint technique territorial, n’avait pu exercer son droit à congés annuels sur plusieurs années, étant placé en congé de longue maladie, puis en congé de longue durée. Au moment de son départ à la retraite en janvier 2022, il a réclamé l’indemnisation de ses congés non pris au titre des années 2017, 2018 et 2019. La cour administrative d’appel de Versailles lui avait donné partiellement raison, estimant que ces droits étaient encore ouverts à indemnisation. Le Conseil d’État casse cette analyse, en rappelant l’existence d’une limite temporelle à la portabilité de ces droits, comme l’expose le droit de l’Union Européenne.
En effet, l’article 7 de la directive 2003/88/CE garantit à tout travailleur un droit au congé annuel payé d’au moins quatre semaines, y compris lorsqu’il est en congé de maladie. La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), notamment dans l’ arrêt « KHS AG contre Winfried Schulte » (C-214/10) en date du 22 novembre 2011, est venue préciser que ce droit ne pouvait être refusé du seul fait de l’incapacité temporaire de l’agent. Toutefois, la CJUE a jugé légitime que les droits à congés annuels fassent l’objet d’une limitation dans le temps, et qu’un État puisse prévoir une durée maximale de report, sous réserve que celle-ci soit raisonnable. À ce titre, une période de 15 mois a été reconnue comme compatible à la directive.
Le Conseil d’État s’inscrit dans cette jurisprudence en transposant cette durée de report dans le droit interne, même en l’absence de texte national prévoyant expressément un tel délai. Il rappelle que l’article 5 du décret du 26 novembre 1985, qui interdit de manière générale l’indemnisation des congés non pris et limite leur report aux cas exceptionnels, est incompatible avec cette directive lorsqu’il ne tient pas compte de l’impossibilité objective de prendre ces congés. En revanche, cette incompatibilité ne prive pas l’employeur de la possibilité de rejeter une demande de report ou d’indemnisation formulée au-delà du délai de 15 mois suivant l’année d’acquisition des congés.
En l’absence de dispositions législatives ou réglementaires fixant une période de report, il est en principe loisible à l’autorité territoriale de rejeter une demande de report des jours de congés annuels non pris par un fonctionnaire territorial en raison d’un congé de maladie lorsque cette demande tend au report de ces jours de congés au-delà d’une période de quinze mois qui suit l’année au titre de laquelle les droits à congés annuels ont été ouverts.
Appliquant ces principes à l’espèce, le Conseil d’Etat constate que les congés acquis par M. B… entre 2017 et 2019 ne pouvaient plus, à la date de son départ à la retraite (23 janvier 2022), faire l’objet ni d’un report, ni d’une indemnisation, le délai de 15 mois étant expiré. En revanche, pour les années 2020 à 2022, la commune avait effectivement versé une indemnité représentative des congés, ce qui complète l’exécution de l’arrêt antérieur.
Ainsi, le Conseil d’Etat permet d’apporter une précision claire : l’indemnisation des congés non pris pour cause de maladie ne peut intervenir que dans la limite de 15 mois suivant l’année d’ouverture des droits, sous peine de forclusion.