Passation d’une DSP : attention aux modifications et insertions de clauses lors de la mise au point du contrat, susceptibles de constituer une modification substantielle après la délibération approuvant le choix du délégataire et du contrat de concession ! (CAA de Marseille, 29 septembre 2025 n°25MA00715)
Si la mise au point du contrat est une faculté permise aux autorités déléguantes entre l'attribution et la signature du contrat, elle n'en demeure pas moins encadrée !
Des précautions sont donc à prendre lors de cette phase : La mise au point porte-t-elle sur un élément essentiel du contrat ? Cette mise au point bouleverse-t-elle l'économie général du contrat ? Quel est l'impact de la mise au point réalisée ?
Dans cette affaire, la commune d’Eyguières a confié à une société d’économie mixte à opération unique (SEMOP) la gestion et l’exploitation d’un aérodrome, ainsi qu’une zone dédiée aux sports mécaniques, pour une durée de 25 ans.
Suite à la délibération du 30 novembre 2020 approuvant le choix de l’actionnaire de la SEMOP, les actes de constitution de la SEMOP ainsi que la concession de service public, la délégation de service public a été signée avec la société le 19 avril 2023. Une mise au point du contrat, avec modifications et ajouts de clauses, a été réalisée entre le temps de la constitution de la SEMOP et la signature du contrat.
À la suite de plusieurs recours en contestation de validité du contrat, certains tiers lésés ont soutenu que le conseil municipal n’avait pas disposé de l’ensemble des informations nécessaires pour se prononcer sur des éléments essentiels du contrat, en méconnaissance du droit à l’information des élus.
Le tribunal administratif de Marseille a retenu l’existence d’un vice de consentement et annulé la délégation de service public avec effet immédiat.
Saisie par la commune d’Eyguières et la SEMOP, la cour administrative d’appel a confirmé ce jugement. Elle a estimé que la modification des clauses réalisée et l’ajout d’une clause financière, intervenue lors de la finalisation du contrat, affectait à la fois le financement et l’objet de la concession. Or, de tels éléments, considérés comme essentiels, doivent impérativement être soumis à l’approbation du conseil municipal selon le raisonnement suivant :
En premier lieu, le juge rappelle les règles applicables à la passation des délégations de service public. L’article L. 1411-7 du Code général des collectivités territoriales prévoit que l’assemblée délibérante doit se prononcer sur le choix du délégataire ainsi que sur la convention de délégation de service public. Cela implique qu’elle se prononce sur tous les éléments essentiels du contrat à conclure :
4. Aux termes de l’article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : » Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. (…) « . Aux termes de l’article L. 1411-7 du même code : » (…) l’assemblée délibérante se prononce sur le choix du délégataire et la convention de délégation de service public « .
5. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu’il entend autoriser le maire à souscrire une convention de délégation de service public, le conseil municipal doit, sauf à méconnaître l’étendue de sa compétence, se prononcer sur tous les éléments essentiels du contrat à intervenir, au nombre desquels figurent notamment l’objet précis de celui-ci ainsi que les éléments financiers exacts et l’identité de son attributaire.
En second lieu, la Cour en déduit que la clause insérée après le vote du conseil municipal constituait bien un élément essentiel du contrat, en raison de son impact significatif tant sur le financement que sur l’objet de la concession. L’assemblée délibérante n’avait donc pas pu se prononcer valablement sur cette stipulation :
6. En l’espèce, il résulte de l’instruction que le contrat finalement conclu prévoit, par une clause insérée postérieurement au vote d’approbation du conseil municipal et dont ce dernier n’avait donc pu prendre connaissance, que le manque à gagner qui pourrait être occasionné par l’absence de mise en service de la centrale photovoltaïque prévue au titre des équipements à réaliser pourrait être » neutralisé » d’un commun accord par les parties. Une telle stipulation implique, compte tenu du poids important des recettes issues de la production d’énergie photovoltaïque, censées représenter 44,8 % du montant total des recettes prévisionnelles, la possibilité, pour les parties, de revoir substantiellement à la baisse les obligations mises à la charge de la société concessionnaire. Ces éléments, qui ont trait tant au financement de la concession qu’à son objet, étaient d’autant plus essentiels qu’il existe de sérieuses raisons de mettre en doute la faisabilité du projet photovoltaïque, compte tenu de l’interdiction des constructions sur une grande partie de l’emprise du site en application des articles 16 et 17 du décret du 8 octobre 2001 portant création de la réserve naturelle des Coussouls de Crau.
7. En outre, alors que le projet de contrat soumis à l’approbation du conseil municipal prévoyait, dans son article 22, qu’il était conclu, pour le tout, sous condition suspensive d’obtention de prêts bancaires et de subventions, le contrat finalement signé restreint le champ de cette condition suspensive en stipulant qu’elle ne s’applique que » s’agissant de la réalisation des travaux « , et en précisant que : » en cas d’absence d’obtention de tout ou partie des financements nécessaires à la réalisation des travaux, les parties conviennent de se rencontrer à l’initiative de la partie la plus diligente afin d’en tirer les conséquences sur l’exécution du Contrat. (…) les Parties conviennent ensuite des mesures permettant de neutralise l’impact de l’absence d’obtention de tout ou partie des financements sur l’équilibre économique du contrat (…) « . Cette stipulation permet donc à la société SEZAME, en cas d’inobtention des prêts ou des subventions sollicités, de continuer à exploiter le site pendant la durée convenue de vingt-cinq ans, tout en se voyant dispensée de l’obligation de réaliser certains investissements. Compte tenu notamment de l’obligation de proportionner la durée de la convention à la durée d’amortissement des investissements prévus, cette stipulation, qui concerne tant le financement que l’objet de la concession, constitue un élément essentiel de cette dernière.
