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Limitation admise du nombre de lots auxquels un opérateur peut candidater en concession de plages, sous conditions – CE, 15 juillet 2025, n°490592

La présente affaire soulève la question principale de la compatibilité, en droit des concessions, d’une limitation du nombre de lots pouvant être obtenus par un même opérateur, notamment lorsqu’elle n’est prévue par aucune disposition, et si cette restriction est justifiée par l’objet de la concession ou les exigences du service public sous peine d’être disproportionnée. 

En l’espèce, la société Le Chalet des Jumeaux avait candidaté à l’attribution de deux lots dans le cadre d’une procédure de passation d’une concession de plage d’une dizaine de lots par la commune de Ramatuelle.

Par une délibération du 16 juillet 2018, la commune de Ramatuelle a procédé à l’attribution des différents lots, pour laquelle la société n’a été attributaire que d’un lot. La société saisit la juridiction administrative en contestation d’annulation sur l’ensemble des autres lots attribués.

Par des jugements du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté les demandes de la société Le Chalet des Jumeaux contestant la validité de ces contrats ainsi que sa demande tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 3 618 121 euros en réparation des préjudices qu’elle estimait avoir subis à raison de son éviction irrégulière des procédures de passation des traités de sous-concessions.

L’affaire est portée en appel par la société lui donnant gain de cause, puis en cassation par la Commune. L’affaire est en suivant renvoyée par le Conseil d’Etat devant la cour administrative d’appel, qui rejette l’appel formé par la société qui se pourvoit alors en cassation.

La société faisant notamment valoir que la limitation de proposition d’offres sur deux lots au règlement de consultation serait de nature à porter atteinte à l’exercice de la libre prestation de services garantie par l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et ainsi à la liberté d’accès à la commande publique.

Le Conseil d’Etat rejette l’ensemble des pourvois de la société.

Le Conseil d’État réintroduit le cadre juridique en rappelant l’application des dispositions de l’article L.3 du code de la commande publique, ainsi que les dispositions de l’article L. 3121-1 du même code.

Se faisant, et à la lumière de ces dispositions, la Haute juridiction administrative pose le principe suivant :

4. Dans le cadre rappelé au point 3, l’autorité concédante peut, même sans texte le prévoyant, sous le contrôle du juge, limiter le nombre de lots pour lesquels un même opérateur économique peut présenter une offre, sous réserve que cette limitation, qui doit être indiquée dans les documents de la consultation, soit justifiée par l’objet de la concession, les nécessités propres au service public délégué ou la procédure de passation du contrat, et non disproportionnée.

Partant, le Conseil d’Etat effectue le raisonnement suivant :

6. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’aucun texte législatif ni réglementaire n’interdisait à l’autorité concédante de limiter le nombre des offres que pouvait présenter chaque opérateur économique.

7. En troisième lieu, la société requérante ne peut utilement soutenir pour la première fois en cassation que la limitation par l’autorité concédante du nombre de lots pour lesquels les candidats peuvent présenter une offre serait de nature à porter atteinte à l’exercice de la libre prestation de services garantie par l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Ainsi, il est possible de retenir que la restriction du nombre de lots est légale, si :

  1. elle figure dans les documents de consultation,
  2. elle correspond à l’objet de la concession ou aux besoins du service public,
  3. elle n’est pas excessive.

S’agissant du critère de la condition de limitation ne devant pas être excessive, il est repris l’analyse de la Cour administrative d’appel sur la portée de l’article 4.3 du règlement de la consultation en ce qu’il permet d’établir un équilibre concurrentiel :

8. En quatrième lieu, en se fondant, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance, par la règle fixée par les stipulations de l’article 4.3 du règlement de la consultation mentionnées au point 5, du principe de libre accès à la commande publique, sur ce que cette règle avait permis à la commune de rationaliser l’analyse des offres et de rétablir un équilibre concurrentiel en laissant à des entreprises de moindre taille et aux moyens humains et financiers plus limités davantage de possibilités de présenter des offres, la cour, qui s’est bornée à se prononcer sur le bien-fondé du moyen dont elle était saisie au regard de l’argumentation de la commune intimée, laquelle pouvait présenter ces justifications pour la première fois devant le juge, et qui n’avait pas à rechercher si l’autorité concédante aurait pu retenir d’autres modalités d’organisation des procédures de passation en litige qu’elle organise librement ainsi qu’il a été rappelé au point 3, n’a pas méconnu le principe du contradictoire ni, en tout état de cause, la portée des écritures de la commune de Ramatuelle, et n’a pas non plus commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l’espèce.

Cette jurisprudence devient ainsi une référence utile pour les collectivités et concessionnaires : elle consolide les marges de gestion offertes aux autorités concédantes, tout en garantissant la transparence et l’égalité des chances dans l’accès à la commande publique, en application de l’article L.3 du code de la commande publique.

Cette solution offre plus de marge de manœuvre pour équilibrer le nombre d’opérateurs et éviter les concentrations excessives.