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Recevabilité sous condition d’une demande de recouvrement d’une créance contractuelle présentée par une collectivité ayant émis un titre exécutoire (Conseil d’État, 20 mai 2025, n° 498461, Ment. Leb.)

Dans cette décision, le Conseil d’État applique un principe bien entériné de la jurisprudence administrative : « Le privilège du préalable ». L’administration n’est pas recevable à demander au juge administratif de prendre une décision qu’elle peut elle-même adopter (Conseil d’État, Préfet de l’Eure, du 30 mai 1913).

En l’espèce, l’établissement public Voies navigables de France (VNF) a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la société La Forge de Longuyon à lui verser à titre de provision la somme de 51 382,03 euros correspondant au montant des taxe hydraulique et redevance hydraulique qu’elle n’avait pas acquittées entre 2014 et 2023, assortie des intérêts au taux légal.

En effet, selon l’article R. 541-1 du Code de justice administrative : « Le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il peut, même d’office, subordonner le versement de la provision à la constitution d’une garantie ».

Or, le Conseil d’État va rappeler le principe du privilège du préalable et préciser son raisonnement en plusieurs temps :

Une collectivité publique est irrecevable à demander au juge administratif de prononcer une mesure qu’elle a le pouvoir de prendre. En particulier, les collectivités territoriales, qui peuvent émettre des titres exécutoires à l’encontre de leurs débiteurs, ne peuvent saisir directement le juge administratif d’une demande tendant au recouvrement de leur créance. Toutefois, lorsque la créance trouve son origine dans un contrat, la faculté d’émettre un titre exécutoire dont dispose une personne publique ne fait pas obstacle à ce que celle-ci saisisse le juge d’administratif d’une demande tendant à son recouvrement, notamment dans le cadre d’un référé-provision engagé sur le fondement de l’article R. 541-1 du code de justice administrative. Cependant et plus généralement, elle ne peut saisir directement le juge lorsqu’elle a émis un tel titre préalablement à la saisine du juge, dans la mesure où la décision demandée au juge aurait les mêmes effets que le titre émis antérieurement. Dans ce cas, la demande présentée est dépourvue d’objet et par suite irrecevable. Il en va cependant différemment lorsque la collectivité publique justifie, d’une part, de vaines tentatives d’exécution du titre exécutoire qu’elle a préalablement émis, notamment sur des biens situés en France, et d’autre part, de l’utilité d’une décision rendue par une juridiction française pour le recouvrement de sa créance sur des biens ou fonds à l’étranger.

Dans les faits, VNF a émis des titres exécutoires à l’encontre de son co-contractant mais n’a pas justifié qu’il a tenté vainement d’exécuter lesdits titres qu’il a lui-même délivré.

Ainsi, lorsqu’une administration a émis un titre exécutoire dans le cadre d’un contrat, elle peut quand même saisir le juge du référé-provision si deux conditions cumulatives sont réunies :

  1. Avoir vainement tenté d’exécuter les titres qu’elle a elle-même délivré ;
  2. Justifier de l’utilité d’une décision rendue par une juridiction française.