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Limites au pouvoir du juge administratif dans le prononcé de mesures utiles : la détermination des politiques publiques (CE, 12 mars 2025, n° 488642, Pub. au recueil)

Le pouvoir du juge administratif d'enjoindre à l'administration des mesures nécessaires lorsqu'une décision est illégale, ne peut avoir pour effet qu'il se substitue aux pouvoirs publics pour la détermination d'une politique publique ou d'enjoindre de le faire. 

Dans cette affaire, une association et plusieurs requérants ont demandé l’annulation en excès de pouvoir de la décision implicite de rejet de la Première ministre et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Leur demande portait sur l’édiction de toutes les mesures propres à garantir la sécurité des personnes lors du déroulement d’actions de chasse ou de destruction d’animaux d’espèces non domestiques. Ces conclusions à fin d’annulation étaient accompagnées d’une demande d’injonction de prendre toutes mesures utiles au respect de ces obligations.

L’intérêt de cette décision concerne l’appréciation qui est faite par le Conseil d’État quant aux conclusions à fin d’injonction des requérants. Il se juge incompétent pour se substituer aux pouvoirs publics pour déterminer une politique publique.

5. En l’absence d’obligation précisément déterminée par le législateur, la demande des requérantes tend en réalité à la détermination d’une politique publique en matière de sécurité de la chasse. Ainsi qu’il a été dit, il n’appartient pas au Conseil d’Etat, statuant au contentieux de se substituer aux pouvoirs publics pour y procéder.

Les conclusions de Nicolas Agnoux, rapporteur public dans cette affaire, éclairent le raisonnement. Rappelant que ce litige s’inscrit dans la lignée jurisprudentielle dégagée par la décision CE, 11 oct. 2023, Ligue des droits de l’homme et autre et Syndicat de la magistrature et autre, n°467771, il précise que l’illégalité d’une décision de refus dans ce contentieux de la demande de faire cesser la méconnaissance d’une obligation légale, repose sur trois conditions cumulatives :

1° : l’existence d’une obligation pesant sur l’administration ;

2° : l’existence d’un manquement qui est caractérisé par sa gravité ou sa récurrence, et qui ne peut être justifié par les difficultés/contraintes/moyens auxquels l’administration fait face ;

3° : l’absence pour le juge de se substituer aux pouvoirs publics pour déterminer une politique publique ou enjoindre à le faire (qualifiée de « clause de politique publique » par le rapporteur public).

La lecture de la décision commentée démontre que cette troisième condition fait défaut dans cette affaire, justifiant alors le rejet de la requête.