ActualitésResponsabilité des gestionnaires publics

Cour des Comptes, 25 juin 2024, n° S-2024-0943, Régie Gazélec de Péronne

Les 3 gouttes d’eau qui font déborder le gaz ⚡️

Un directeur et un agent comptable d’une régie municipale à caractère industriel et commercial, ont été renvoyés devant la Chambre contentieuse à double titre : l’engagement de dépenses sans en avoir la compétence (en l’occurrence seulement le directeur) et le défaut de production des comptes (responsabilités conjointes du directeur et du comptable). La Cour des comptes les a respectivement condamnés à 4.000 et 3.000 euros d’amende.

Un focus est volontairement réalisé sur la responsabilité du directeur en raison de son incompétence pour engager des dépenses d’une part (cf. article L. L.131-13 3° du code des juridictions financières), et sur le défaut de production des comptes d’autre part (cf. article L. 131-13 1°).

S’agissant premièrement de l’engagement de dépenses sans en avoir la compétence,  la Cour des comptes considère que le directeur de la régie a conclu irrégulièrement trois contrats. Elle opère ainsi une distinction nette entre l’obtention de l’autorisation formelle d’engager la dépense, et le fait de porter à connaissance, de présenter, d’informer ou d’évoquer un contrat à l’organe délibérant. En l’occurrence, seule une autorisation valide pouvait conférer au directeur la compétence pour engager des dépenses. Par extension, nous pouvons rappeler qu’engager une dépense sans autorisation préalable de l’assemblée délibérante peut constituer un manquement aux obligations légales dans le cadre de l’infraction d’avantage injustifié (cf. CdC, 3 mai 2024, n° S-2024-0723, Département de la Haute-Saône).

Par ailleurs, la Cour précise deux autres points. D’une part, même dans l’hypothèse où l’un des contrats aurait été conclu avec une filiale détenue uniquement par la régie, l’infraction est constituée. D’autre part, le préjudice n’est pas une condition de cette infraction et n’a donc pas à être démontré pour emporter l’engagement de la responsabilité du gestionnaire.

S’agissant deuxièmement du défaut de production des comptes, la Cour considère tout d’abord que l’infraction nouvellement codifiée à l’article L. 131-13 1° entre dans les prévisions de l’ancien article L. 313-4 du CJF, qui par ailleurs avait été appréhendée par la CDBF à ce titre. La nouvelle disposition n’incrimine donc pas de nouveaux faits, elle est simplement devenue une disposition spécifique.

Ensuite, la Cour relève l’absence « de délibération du conseil d’administration sur le compte financier correspondant aux exercices compris entre 2016 et 2018, ainsi que le défaut de production des annexes obligatoires, règlementairement prévues qui en explicitent les principaux soldes, et enfin l’absence systématique de reprise du résultat de l’année antérieure, dans les comptes de l’exercice suivant ne permettent pas de regarder ces comptes comme régulièrement produits » contrairement aux dispositions du décret GBCP de 2012. Or, il résulte des dispositions du CGCT qu’il incombait au directeur de la régie de présenter ces éléments au conseil d’administration et donc, à défaut, l’infraction était constituée.