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Concession de plage : Irrégularité de la procédure de passation pour demande de pièces de candidature spécifiques non prévues au code de la commande publique (non, sous réserve) – CAA de TOULOUSE, 27 mai 2025, n° 23TL02852

Dans le cadre de la présente affaire, il était question pour le juge administratif de se prononcer sur l’irrégularité de la procédure de passation d’une concession de plage, au regard de l’exigence de production d’une attestation sur l’honneur de non-infraction de grande voirie et de préservation du domaine public maritime à l’ensemble des candidats au stade de la candidature.

En l’espèce, la commune de Palavas-les-Flots avait lancé un appel public à la concurrence le 13 mai 2020 en vue de l’attribution de concessions pour l’exploitation de sept lots de plage pour la période 2021-2026.

La société BCCM, société requérante, qui bénéficiait pour la période antérieure d’une concession sur certains de ces lots, a présenté sa candidature pour l’attribution des contrats d’exploitation des lots de plage sur deux lots.

La société a été informée le 11 décembre 2020 par le maire de Palavas-les-Flots du rejet de sa candidature par la commission de délégation de service public, lors de sa séance du 19 novembre 2020, au motif qu’elle avait produit à l’appui de son dossier de candidature une fausse déclaration sur l’honneur selon laquelle elle n’avait commis aucune infraction, et en particulier jamais fait l’objet d’un procès-verbal de contravention de grande voirie au titre du domaine public maritime.

La société BCCM a demandé devant le tribunal administratif de Montpellier la condamnation de la commune de Palavas-les-Flots au versement, à titre principal, une somme totale de 665 709 euros correspondant à la marge nette que lui auraient procuré l’exploitation des concessions des lots de plage n° D4 et G6, s’il lui avaient été attribués, et, subsidiairement, une somme de 695 605 euros correspondant au remboursement des frais qu’elle a engagés pour présenter ses offres, au motif de son éviction irrégulière compte tenu de la demande de transmission d’une attestation spécifique au stade des candidatures, n’étant pas exigée par le code de commande publique.

Après rejet de ses demandes en première instance, la société requérante interjette appel de ce jugement.

À l’occasion de ce recours, il est rappelé par le juge administratif, les conditions de demande de manque à gagner résultant d’une éviction irrégulière d’un candidat. Il appartient au juge de vérifier que le candidat avait des chances sérieuses de remporter le contrat :

Lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l’absence de toute chance, il n’a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d’emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre, lesquels n’ont donc pas à faire l’objet, sauf stipulation contraire du contrat, d’une indemnisation spécifique.« 

Pour vérifier que le candidat disposait de chance sérieuse de remporter le contrat, il convient ainsi de vérifier si la procédure de passation est régulière.

En ce sens, le juge rappelle notamment que les pièces demandées au stade de la candidature doivent permettre à l’autorité concédante de constater l’aptitude des candidats à exercer les prestations demandées et doivent avoir une utilité pour l’examen des candidatures :

13. Le règlement de la consultation prévu par une autorité concédante pour la passation d’un contrat de concession est obligatoire dans toutes ses mentions. L’autorité concédante ne peut, dès lors, attribuer ce contrat à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par ce règlement, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l’examen des candidatures ou des offres.

14. Si tel n’est pas le cas, une candidature doit être regardée comme incomplète, au sens des dispositions précitées de l’article L. 3123-19 du code de la commande publique, dès lors qu’elle ne respecte pas les exigences fixées par le règlement de la consultation, quand bien même elle contiendrait par ailleurs les pièces et informations dont la production est obligatoire en application des articles R. 3123-16 à R. 3123-19 du code de la commande publique.

En l’espèce, le juge a considéré que l’attestation de non infraction demandée, quand bien même elle ne fera pas partie des productions obligatoires au titre des articles R. 3123-16 à R. 3123-9 du code de la commande publique, peut être exigée par l’autorité concédante en raison de la nature des prestations à exercer par les candidats :

15. L’article 4.1 du règlement de la consultation qui prévoit, ainsi qu’il a été dit au point 12, que la candidature doit comporter une attestation sur l’honneur de non-infraction à compléter et renvoie à la rubrique  » Renseignements concernant l’aptitude à assurer l’accueil du public pendant la période d’exploitation ainsi que la préservation du domaine « , ainsi qu’aux dispositions précitées de l’article R. 2124-31 du code de la commande publique selon lesquelles la préservation du domaine public est au nombre des critères à prendre en compte par l’autorité concédante pour admettre un candidat à présenter une offre. Eu égard à la nature des prestations attendues du futur concessionnaire de plage, la production prévue par les dispositions de l’article 4.1 du règlement de la consultation d’une attestation sur l’honneur de non-infraction, permettant à l’autorité concédante de vérifier qu’un candidat n’a pas été condamné pour infraction aux règles de conservation du domaine public maritime, n’était pas manifestement inutile dès le stade de l’examen des candidatures, alors même que, par ailleurs, l’article L. 3123-7 du code de la commande publique permet d’exclure de la procédure d’attribution d’une concession les personnes ayant fait l’objet d’une résiliation en vertu notamment des dispositions du 2° de l’article R 2124-35 du code de la commande publique pour infraction à la règlementation générale relative à l’occupation du domaine public maritime, et sans qu’importe la circonstance que la société BCCM n’aurait jamais vu un de ses contrats résiliés dans le cadre de ses activités antérieures.

16. Dans ces conditions, la commune de Palavas-les-Flots pouvait exiger des candidats des documents autres que l’attestation sur l’honneur de non-exclusion de la participation à une procédure de passation d’un contrat de concession prévue par l’article R. 3123-16 du code de la commande publique, les renseignements et documents relatifs aux capacités des candidats exigés par l’article L. 3123-8 du même code, et la preuve du respect de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Il s’ensuit également que les dispositions précitées du règlement de la consultation ne sont pas contraires à l’article L. 3123-8 précité du code de la commande publique

Ainsi les demandes de la société requérante ont été rejetées.

Il ressort ainsi de la présente analyse qu’il peut être envisagé par l’autorité concédante la production d’attestation spécifique pour l'analyse des aptitudes à exercer des candidats, à partir du moment où celle-ci présente un lien suffisant avec l’exercice des prestations demandées et doivent avoir une utilité pour l'examen des candidatures ou des offres.