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Le Conseil d’État développe le droit de se taire pour les usagers des universités dans les procédures disciplinaires  (Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 09/05/2025, n°499277, Mentionné au Lebon)

Dans une décision rendue le 9 mai 2025, le Conseil d’État rappelle que les usagers des universités — principalement les étudiants en l’espèce — bénéficient du droit de se taire dans le cadre des procédures disciplinaires les concernant. Cette position s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle récente visant à renforcer les garanties procédurales des personnes faisant l’objet de poursuites, même en dehors du champ pénal.

L’affaire, dont il est question ce jour, concerne Mme B., étudiante en deuxième année de licence de droit à l’université de Nantes, sanctionnée par la commission disciplinaire de l’établissement le 27 septembre 2024. Elle a été exclue pour une durée de neuf mois, à la suite d’une procédure engagée devant la section disciplinaire compétente à l’égard des usagers.

Contestant cette sanction, Mme B. a saisi en référé le tribunal administratif de Nantes afin d’en demander la suspension. Sa requête ayant été rejetée le 13 novembre 2024, elle a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.

Dans sa décision, le Conseil d’État rappelle que le droit de se taire s’étend à toute procédure susceptible de déboucher sur une sanction ayant un caractère punitif, y compris dans le champ disciplinaire universitaire. Il précise ainsi :

Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Elles impliquent que l’usager d’une université faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les agissements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire. A ce titre, il doit être avisé, avant d’être entendu pour la première fois, qu’il dispose de ce droit pour l’ensemble de la procédure disciplinaire.

Si le Conseil insiste également sur le fait que l’information relative à ce droit doit être délivrée avant toute audition, et ce dès le début de la procédure disciplinaire, il apporte une réserve.

Il considère que l’absence de notification du droit de se taire à la personne visée ne peut rendre illégale la décision contestée uniquement dans le cas où celle-ci repose sur des propos qui auraient pu être couvert par ce droit de se taire.

Cette décision s’inscrit dans le prolongement direct de la décision n° 2024-1073 QPC du Conseil constitutionnel, rendue le 4 octobre 2024, qui a reconnu que le droit de se taire est une composante du droit à un procès équitable, y compris dans le cadre de sanctions disciplinaires. Par ailleurs, le tribunal administratif de Bordeaux, dans un jugement en date du 31 octobre 2024, avait déjà rappelé que ce droit constituait une garantie fondamentale de la défense des usagers des services publics d’enseignement supérieur.

En revenant à l’affaire, le Conseil d’État rappelle ce principe, mais estime que, même en l’absence de notification du droit de se taire, la décision contestée ne repose pas sur des propos susceptibles d’être protégés par ce droit. Il suspend toutefois l’exécution de la décision en raison d’un manquement à la procédure d’instruction du dossier.